Découverte de Queer Britain – Le premier musée LGBTQIA+ du Royaume-Uni
Pendant des années, l’histoire queer a été voilée, effacée, masquée et difficile d’accès. Si internet nous a ouvert la porte aux récits LGBTQIA+, rendant ainsi notre passé plus accessible, les institutions culturelles, les musées et les établissements éducatifs ont mis du temps à suivre l’exemple. Queer Britain, le premier musée LGBTQIA+ du Royaume-Uni, espère changer la donne.
Le musée, qui a ouvert en mai de cette année dans le quartier londonien de King’s Cross, est une idée originale de Joseph Galliano. Aux alentours de 2005, alors qu’il travaillait en tant que rédacteur sur la revue queer Gay Times, il réalisa qu’un grand nombre de jeunes LGBTQIA+ ne savaient pas grand-chose de l’histoire queer. Il a réfléchi à la question pendant une décennie, avant de constater une transformation radicale du secteur de la culture britannique, avec notamment l’exposition Queer British Art tenue en 2017 au Tate Britain et la montée en puissance du projet Queering the Museum, lequel revisitait les collections du V&A et du British Museum sous l’angle LGBTQIA+.
« Il fallait que cette énergie ne soit pas gaspillée et je craignais que si personne ne s’en chargeait, il nous faille attendre encore 50 ans avant de voir bouger les choses », explique Joseph Galliano. « Nous voulions également mettre à la disposition des trans, des femmes, des gens de couleur et des handicapés – un vaste ensemble diversifié de communautés – un espace auquel ils puissent enfin s’identifier et où faire entendre leur voix. »
Épaulé par un conseil d’administration d’horizons divers, d’innombrables bénévoles, de généreux mécènes et par le cofondateur du projet Ian Mehrtens, Galliano a consacré ces cinq dernières années à transformer son rêve en réalité pour ouvrir Queer Britain. Si ce musée est plutôt petit, il déborde de personnalité. L’exposition inaugurale temporaire présente une frise chronologique sous forme de photographies des droits LGBTQIA+ au Royaume-Uni ainsi que des portraits de familles queer triées sur le volet.
We Are Queer Britain, l’exposition suivante qui a ouvert ses portes au musée cette semaine, est « une profusion d’objets historiques et d’œuvres inédites », observe Joseph Galliano. « Nous faisons un clin d’œil à l’exposition Queer British Art en exposant la porte de la cellule d’Oscar Wilde à la prison de Reading. Y sont en outre exposés des documents issus de notre communauté sur le militantisme, l’histoire sociale, les changements juridiques et la vie sociale. Nous présentons un grand nombre de choses dans un tout petit espace. »
Lisa Power, l’une des fiduciaires du musée, qui a consacré sa vie au plaidoyer en faveur des droits pour les LGBTQIA+ au Royaume-Uni, a insisté pour que le musée incorpore des récits queers provenant des quatre coins du pays. « Je vis au pays de Galles, et je voulais que le musée représente la Grande-Bretagne et pas seulement Londres », déclare-t-elle. « Et je veux que nous rendions hommage aux queers qui sont venus s’installer au Royaume-Uni de partout dans le monde, fuyant souvent des persécutions, mais qui ont trouvé une famille ici. »
En 2022, l’histoire LGBTQIA+ n’a jamais eu autant de visibilité et le succès d’une institution telle que Queer Britain ne fait que la renforcer. Cependant, à l’heure où l’on assiste à une hausse des crimes haineux anti-LGBTQIA+ et à une montée de législations telles que Florida’s Don’t Say Gay bill, la vigilance doit rester de mise. « Nous répondons à ce genre d’attaque en étant présents et en insistant sur l’inclusivité dans le cadre de nos activités », constate Joseph Galliano.
Mais il n’avait pas réalisé quelles seraient les conséquences émotionnelles de ce projet. « Il est arrivé que des gens franchissent la porte et fondent en larmes. C’est l’idée de se retrouver à découvert. Pour certains, cette émotion est insupportable. », avoue-t-il.
« Espérons que cela permettra aux gens de valoriser leur histoire », ajoute Lisa Power. « J’espère que le musée deviendra un endroit où un·e adolescent·e faisant son coming-out puisse emmener ses parents pour leur montrer qui nous sommes et qui ils sont eux aussi. »
Alim Kheraj est rédacteur freelance. Il anime le podcast Queer Spaces. Son premier ouvrage, Queer London, est un guide du Londres LGBTQIA+ d’hier et d’aujourd’hui
